CARNAVAL DES BLOGS: les médicaments et vous!

Publié le par docteurmailler


Mon blog est d'habitude impersonnel et scientifique. Exception confirmant la règle, à l'occasion du carnaval des blogs, je vais vous rapporter ma première vraie consultation de médecine générale  et donc mon premier rapport avec les médicaments à prescrire. C'était lors de mon service militaire.


Après un mois de classe à Libourne, j'ai été affecté à la base aérienne 103 de Cambrai en Novembre 1996. A l'époque, le service national existait encore, il était de 10 mois pour les appelés sauf pour les médecins aspirant qui bénéficiaient de 2 mois supplémentaires (Liberté, EGALITE...).


En arrivant à l'infirmerie de la base, je vous passe les détails admnistratifs, tous sont soulagés de me voir. Une infirmière, sergent, assez jolie, m'explique que le médecin capitaine est en congès et qu'une vingtaine de malades attendent déjà le début des consultations.

Je la regarde du coin de l'oeil. Comment lui dire que quittant l'hopital où j'étais externe, je n'ai jamais consulté seul dans un bureau? Comment lui exprimer l'angoisse qui est la mienne?

Ils attendent un médecin, il faut bien par la force des choses que je le devienne.Aprés tout, je suis allé à la faculté pour cela, pas vrai?


Assis derrière mon bureau, je regarde étrangement MON premier malade. Il est jeune, a vingt ans, il m'explique qu'il tousse, a mal en avalant et a le nez qui coule.

-”Mince, du classique!” me dis-je.

J'examine , j'écoute les poumons et je conclue qu'il souffre d'une rhinopharyngite banale.


Je retourne au bureau , en lui demandant de se rhabiller, j'attrape une ordonnance et c'est à ce moment précis que commence mon calvaire.


Que prescrire pour cette rhinopharyngite? Bon , j'ai une vague idée, des gouttes pour le nez, de l'advil et un sirop, cela me semble logique.


Ben, voyons! Nous qui étions formés à prescrire des traitements complexes, des chimiothérapies, et j'en passe, me voilà en train de sécher sur ma copie , dans un petit bureau militaire de Cambrai; seul, face à ma feuille et surtout face à mon jeune soldat, qui commence à trouver le temps long...


Une idée! Des gouttes pour le nez, je vais mettre Pivalone, je m'en souviens j'en ai déjà eu! Reste le sirop! Oh! Calvaire! Le sirop!?


Je me rappelle mon père, Moldu, qui avait vu le remplaçant de notre médecin de famille, revenant un peu faché:

-”Ce jeune, il est pas bon! Il ne m'a même pas donné de sirop!” disait-il alors.


Du sirop! Mon Dieu, donnez moi le nom d'un sirop! SVP!!!


Je lorgne avec envie le gros Vidal rouge sur le bureau. Si je risque un oeil, comment va réagir le patient qui lui attend sagement , n'osant même pas perturber les pensées du médecin aspirant?


Si mon père juge le médecin parce qu'il oublie le sirop, quelle réputation je vais trainer en ouvrant le Vidal le premier jour??? J'en tremble d'avance!


L'infirmière trouvant le temps un peu long, se permet de frapper à la porte:

-” Docteur, je vous prépare les dossiers des prochains consultants.

-Parfait. Heu? Dites-moi...le médecin capitaine, il met quoi en sirop anti-tussif?

-?

-Oui, parce que là, ce jeune homme en a besoin et je me dis que... Enfin, vous voyez,quoi.

  • Paxéladine. A l'Armée, on n' a que du Paxéladine de toute façon.

  • Ah, bon? Merci.”


Je rédige l'ordonnance, la présente avec gêne au jeune appelé. Je suis soulagé. Pxéladine, c'est facile, non? J'ouvre la porte de la salle d'attente, et crie:

-”au suivant!”

En route pour de nouvelles aventures....Voici donc ma première ordonnance , mon premier rapport avec les médicaments et la difficulté à prescrire.

Publié dans divers

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